Pour faire mon latin, commençons ce billet par présenter l’auteure de Le fascisme: Michela Marzano est une jolie brune à lunettes, donc une intello (ça commence mal). D’autre part, elle est chercheuse, auteur, a été membre de jury, enseignante, blablabla au CNRS (ça ne s’améliore pas).
Difficile d’être surpris que ce puissant cerveau m’ait tout aussi puissamment attiré: il suffit de voir comment son Extension du domaine de la manipulation m’a donné pour l’impressionner envie de ranger mes livres à torse nu (et d’en faire un billet mais cherchez-le vous-même).
Ça ne rate pas, une fois de plus Marzano me refait outrageusement de l’œil en rédigeant ce petit ouvrage. Articulé en trois parties, Le fascisme part d’un rappel théorique des idées de Pasolini et Adorno au sujet de la peste italienne, enchaîne sur un décorticage de la plaie mussolinienne pour tenter d’en épingler les mécanisme sous-jacents, et finit en repérant la réémergence de ces mêmes mécanismes dans nos cultures et sociétés "démocratiques" et "libérales".
C’est la partie centrale qui est de loin la plus passionnante, tant le travail effectué est méticuleux et bien documenté. D’autre part, sans enfoncer des portes ouvertes, Marzano ne fait que rappeler ce qui est la portée du premier intellect venu, mais qui a été à l’époque méticuleusement ignoré (demandez donc aux 1189 professeurs d’université qui en 1931 plébiscitèrent la chemise noire). D’ailleurs, malgré la brièveté de l’ouvrage, Marzano arrive à démontrer que le cancer fasciste n’a laissé aucun (permettez : AUCUN!) aspect de la vie italienne ininfectée. Pas plus qu’elle ne laisse d’échappatoire à ceux qui collaborèrent et collaborent encore: les inconsistances et les dangers du fascisme sont évidents, s’en prémunir est aisé pour qui le veut vraiment (mais bon ceci est mon avis).
La dernière partie est la plus ardue à lire: il s’agit d’une analyse pointue, à l’aide des pistes proposées à travers le livre, des méthodes de manipulation grosses comme une maison (mais alors une grosse, trois étages, avec piscine olympique, parc, jardin potager et terrain de pétanque) utilisées par Berlusconi. Ceci est certes déjà pénible (si on a une conscience, bien sûr), mais ce qui fait vraiment mal, ce sont les petits indices qui pointent les schémas similaires chez d’autres notables ou encore dans d’autre types de gouvernement (si je regarde du côté des « libéraux » c’est juste comme ça).
Bref, si vous n’êtes pas à même de tout pardonner pour un bon plat de pâtes, si vous ne pensez pas que la femme est une pondeuse discrète et timide, vous n’aurez aucune réticence à lire ce livre, il ne vous fera que du bien. Il est court, clair, et doté d’une solide bibliographie.
Si vous pensez que tous ces intellos en font trop, qu’il faudrait arrêter de se torturer les méninges pour aller s’éclater en boîte de temps en temps, bref qu’il faut arrêter de voir le mal partout, lisez-le quand même, on en rigolera, plus tard, peut-être…
MARZANO, Michela. Le fascisme : une encombrant retour. Paris, Larousse, 2009 (Philosopher). 184 p.
